lundi 16 août 2010

VIOLETTE LEDUC

Trop souvent à mon goût on cherche à classer les œuvres littéraires en catégories. Il y a quelques années par exemple la question de savoir si les écrits de Christine Angot devaient être considérés comme des fictions ou plutôt des autofictions faisait débat dans les médias. À mon sens qu’importe la catégorie dans laquelle entre un texte du moment qu’il sait nous toucher. Et Violette Leduc qui a surtout écrit sur sa vie est un auteur qui me touche particulièrement.

Thérèse, Andrée, Violette Leduc naît le 7 avril 1907 d’une mère d’origine modeste qui aspire à une vie meilleure et d’un père qui était le fils de la riche famille bourgeoise où elle servait. Bref, Violette Leduc naît bâtarde et bâtarde elle se sentira toute sa vie, à tel titre que son œuvre la plus connue s’intitulera La Bâtarde. Ça commence mal pour Violette, son père ne la reconnaîtra jamais et sa mère était dure, mais des destins malheureux il y en a tant et le sien ne serait pas plus remarquable qu’un autre si elle n’avait su l’exprimer avec talent.

Si vous n’avez jamais rien lu d’elle, je vous recommande de commencer par L’Asphyxie. Dès les premières pages vous comprendrez pourquoi Simone de Beauvoir à qui elle avait timidement glissé son manuscrit au Flore en 1944 la rappela dès le lendemain. Violette Leduc y décrit ses premières années entre sa mère glacée et sa grand-mère Fidéline qui la réchauffe de sa tendresse.

« Ma mère ne m’a jamais donné la main … Elle m’aidait à monter, à descendre les trottoirs en pinçant mon vêtement à l’endroit où l’emmanchure est facilement saisissable. Cela m’humiliait. »

Sa mère a de terribles colères. Un jour d’orage, elle explose à nouveau, elle frappe … L’orage et sa mère finissent par se calmer. Sa mère se prépare à sortir, Violette et sa grand-mère sont assises sur la terrasse et attendent le moment où la mère passera la porte.

« Nous tournions le dos au jardin. Elle disait qu’on en profiterait tout à l’heure. Maintenant, on écoutait, on respirait. Récuré, le ciel était une tapisserie avec des chants d’oiseaux. L’un d’eux récita son petit office au coin d’un tronc … Le soleil convalescent tiédissait notre nuque. J’appuyai ma joue contre son épaule couverte de lustrine noire. Je posai ma main sur son genou de femme éteinte. Le temps coulait comme du lait.

Elle apparut et elle disparut. Elle avait recomposé son visage. Elle se plaisait.

Vous êtes dans les courants d’air.

Elle claqua la porte. On attendait ça. »

J’aime beaucoup cette façon en apparence si simple de dire les choses. J’aime beaucoup l’usage que Violette Leduc fait des mots. Car c’est cela qui est si fascinant dans l’écriture, de penser que nous disposons tous des mêmes mots et que tout dépend de la manière dont nous les disposons.

Un dernier extrait :

« Dans ce cimetière, on trouvait de tout : de l’abandon, de la grâce, du désordre, un tapis de mauvaises herbes qui ouatinait l’allée et les tombes, des arbustes desséchés, des pissenlits, des fleurs de pissenlits.

L’été un rempart d’ombelles fleurissait le long du mur. Par temps maussade, les fleurs posées sur des échasses, s’inclinaient avec condescendance sur les vieilles croix qui tombaient de traviole sur la terre … »

Simone de Beauvoir montra le texte à Jean-Paul Sartre et ils décidèrent aussitôt d’en publier des extraits dans leur revue Les Temps modernes et de le faire publier ensuite chez Gallimard. Violette Leduc était humble, elle vouait une admiration sans bornes à Simone de Beauvoir et eut peine à croire ce qui lui arrivait. Simone de Beauvoir lui prêta pendant des années de l’argent afin de lui permettre de se consacrer à l’écriture, mais lorsque Violette Leduc rencontra le succès avec La Bâtarde elle lui demanda de rembourser sa dette pour qu’elle puisse enfin se sentir son égale.

Dans La Bâtarde Violette Leduc parle de sa vie après la mort de Fidéline et de sa relation avec Denise Hertgès, Hermine dans le livre. Là encore ce n'est pas ce qu'elle raconte mais la manière dont elle le raconte qui fait l'intérêt du livre.

Vous trouverez toutes les date marquantes de la vie de Violette Leduc sur ce site:

dimanche 15 août 2010

UN POISON VIOLENT de Katell Quillévéré

C’est l’amour que désigne de la sorte le titre du premier long métrage de Katell Quillévéré qui a obtenu à Cannes le prestigieux prix Jean Vigaud.

Le titre ne me plaisait pas et je n’étais guère tentée par le résumé. L’histoire se passe en Bretagne. L’héroïne, Anna, une jeune fille de quatorze ans, rentre de l’internat pour les vacances. Elle retrouve dans la maison familiale sa mère que son père vient de quitter et son grand-père paternel, un vieillard qui ne sort plus sa chambre. Le grand événement de l’été doit être la confirmation d’Anna, mais la foi de celle-ci vacille à mesure que s’éveillent ses sens.

« Il paraît que ce n’est pas mal », m’a dit mon homme l’autre soir alors que nous cherchions un film à nous mettre sous la dent, ce qui n’est pas une mince affaire au mois d’août. Sur ce je suis allée voir ce qu’on en disait sur un site consacré au cinéma. La critique l’encensait alors que de nombreux commentaires de spectateurs émettaient un tout autre son de cloche. Au lieu de me rebuter cela m’a rendue curieuse. Il me fallait le voir pour me faire ma propre opinion. Et c’est évidemment ce que je vous recommande également de faire malgré ce que je vais vous en dire.

C’est que quand la lumière est revenue dans la salle, j’ai eu envie de crier à ceux qui sont tombés sous son charme : « Secouez-vous, bon sang ! Réveillez-vous ! Et, le temps de vous pencher sur ce que ce film nous montre vraiment, acceptez de vous détacher du charmant minois, du juvénile minou et des seins ronds de son héroïne que la caméra caresse si habilement.

Tout d’abord, Katell Quillévéré qui a étudié la philosophie ne veut pas porter de jugement sur l’église, elle a simplement perdu la foi déclare-t-elle dans une interview. Voilà une expression qui sent la nostalgie, ce qui explique peut-être que l’église surtout représentée par un jeune prêtre de conte fées s’en tire plutôt bien dans son film, d’autant que le seul athée de l’histoire est un grand-père libidineux dont les arguments contre l’église se résument à des chansons grivoises. Ledit grand-père a une érection alors que sa petite-fille fait sa toilette. Lorsqu’elle le remarque, Anna quitte sa chambre précipitamment. Une autre fois, son grand-père lui dit qu’il aimerait revoir l’endroit d’où il vient. « Ton village ? » lui demande-t-elle. « Non », répond-t-il. Anna qui a quatorze ans comprend et quitte à nouveau sa chambre, mais un soir elle y revient et elle relève sa chemise de nuit pour exaucer le vœu de son grand-père en lui offrant la vue de son minou. Connaissez-vous beaucoup de petites-filles aussi généreuses et beaucoup de maisons bourgeoises où c’est à une adolescente qu’on demande de faire la toilette du grand-père ? Moi pas.

Quant à l’amour, ce poison violent, Anna le rencontre en la personne d’un garçon qui fait une tête de moins qu’elle et qui a encore la brusquerie des gamins qui cherchent à se frotter pour la première fois aux filles en luttant avec elles. Les scènes avec lui n’ont rien de sensuel, et je n’ai personnellement pas trouvé cette relation amoureuse crédible.

La bonne surprise de ce film est pour moi Lio dans le rôle de la mère désespérée d’avoir été quittée par son mari et qui cherche du réconfort dans la religion et auprès du jeune curé. Michel Galabru est pareil à lui-même. Et je ne m’avancerai pas à prédire l’avenir de Clara Augarde qui, je l’espère pour elle, a plus à nous montrer que son physique avantageux.

samedi 14 août 2010

De mes chimères à mes cahiers et carnets

J’avais un blog, Mes chimères http://leschimeresdelsa.blogspot.com/ dont je signais les articles d’un pseudo : Elsa. Pourquoi Elsa ? C’est le prénom que mon père avait voulu me donner à ma naissance. Ce prénom ne plaisait cependant pas à ma mère, et comme mon père s’appelait André elle avait supposé que l’idée de m’appeler Andrea ne lui déplairait pas.
Chaque fois que ma mère, très satisfaite d’avoir obtenu gain de cause, me racontait cette histoire, elle me laissait entendre que je l’avais échappé belle. J’ai donc longtemps cru qu’Elsa était un vilain prénom. Pourtant un beau jour j'ai surpris ma mère en lui déclarant: « Mais moi j’aime bien Elsa. Ça m’aurait bien été, je crois. » Je venais de lui donner une raison de plus de me trouver ingrate.
Sur mon premier blog, je me cachais derrière un pseudo mais ce que je révélais de moi était exact ce qui me rendait très facilement identifiable par ceux qui me connaissent. « Mais pourquoi utilises-tu un pseudo ? » me demandait-on. Je n’avais pas de réponse et j’ai fini par me demander moi-même pourquoi je ne signais pas de mon vrai prénom et même pourquoi j’avais intitulé mon blog Mes chimères.
Puis mon père est décédé et pendant quelque temps je n’ai plus pensé à mon blog. Et quand j’ai à nouveau eu envie d’écrire à propos de certains spectacles ou de livres mon « vieux » blog ne semblait plus pouvoir me convenir. J’en voulais un nouveau, mais étant donné que je ne suis pas très habile dans le maniement de ce type de logiciel, il a mis un certain temps à naître. Mais le voici finalement. Je l'ai intitulé Cahiers et carnets car où que je sois dans le monde, dans un simple supermarché ou dans une belle papeterie, je ne peux résister à l’envie d’acheter des cahiers et des carnets.
Au fait, mon vrai prénom me plait également.